jeudi 7 juillet 2011

REPORTAGE: Les ker-terre

Voici un reportage paru sur le site de Marie Claire Maison, sur les ker-terre.

«Construire en rond : la kerterre, un modèle de simplicité.
N’exigeant pratiquement aucun outil, utilisant exclusivement les ressources locales et quelques matériaux de récupération, ces  «igloos de terre» offrent plus qu’un simple habitat; il s’agit d’une vraie expérience de vie au plus près de la nature. Si la construction en est presque instinctive, il faut néanmoins un guide pour retrouver ces gestes oubliés, apprendre à se faire confiance, et s’épargner les inévitables erreurs du débutant. Alors, c’est le moment de se lancer dans l’auto-construction et enfin d’imaginer l’habitat qu’on a laissé aux contes et aux histoires pour enfants. Comme si vous disposiez d’une grande pâte à modeler, prêt à façonner du rond, du chaud en hiver, du frais en été, une sorte de nid avec un mode d’emploi fourni.


Une ker-terre : à quoi ça ressemble et comment ça se passe ?
Pour construire une ker-terre, commencez par vous asseoir à différents endroits de votre terrain afin de voir où vous vous sentez le mieux. Bien sûr, choisissez un lieu plat, bien drainé (l’idéal est de le choisir en hiver). Si vous êtes dans un endroit potentiellement venté, pensez aux arbres pour vous protéger et couper le vent. Côté technique, c’est un habitat non fondé, posé directement sur le sol. Le principe constructif est celui d’un empilement de «galettes» faites d’herbes diverses enrobées d’argile, sur un treillis de branchages. Le degré d’inclinaison des murs est ensuite à l’appréciation de chacun (dans les limites des lois de la gravité!). La forme finale peut être proche de celle d’un dôme classique, ou être oeuvre de sculpteur…

La fermeture du dôme est faite avec une bulle de plexiglas. Celle-ci peut être de la taille que l’on veut. La kerterre est un peu comme une yourte et un tipi, en ce sens que le haut peut être laissé ouvert par un cercle qui laisse voir le ciel : son poids ne justifie pas qu’il y ait une clé de voûte. Les pressions (faibles) se répartissent le long du cercle et redescendent ensuite le long des murs. Pour le cahier des charges, il suffit de quelques sacs de chaux (4 à 6), de quelques mètres de pare-pluie (Tyvek ou Delta Vent, moins de 10 m), d’un tuyau pour la cheminée, et de la bulle de Plexiglas (achetée chez un fabricant spécialisé, comme Lumiplastique). Il y a aussi une version moins coûteuse qu’on appelle plus des «ker-plantes» : un soubassement de pierres sèches, 1 m de mur d’argile et d’herbes puis du bois mort croisé au-dessus comme des perches de tipi et plusieurs couches d’herbes mises en longueur et recouvertes d’épineux (ronces, prunelier), c’est imperméable.



En ce qui concerne les matériaux :
L’argile, en fait de la terre collante, n’a pas besoin d’être pure. Pour savoir si votre argile est d’une qualité suffisante, faites une boule et laissez-la sécher : elle doit rester en boule une fois sèche. L’argile se trouve généralement à une faible profondeur dans le sol, si vous ne rencontrez pas la roche. Si votre terrain n’en contient pas, il y a sûrement près de chez vous un endroit où en trouver; en outre, la quantité d’argile nécessaire est peu importante, la ker-terre étant surtout faite de plantes. N’hésitez pas à saturer vos galettes de plantes (une fois sec c’est solide), car plus il y a de plantes, moins l’argile fendille. L’herbe arme et permet de donner des formes à la ker-terre. Alors, n’hésitez pas à désherber votre potager et mettez le tout dans vos murs. Avec des plantes de type fenouil ou eupatoire dont la moelle ressemble à du polystyrène, la ker-terre est étonnamment chaude en hiver.



L’emplacement de la ker-terre et la préparation du mélange :
Quatre mètres de diamètre est la moyenne pour une mise en oeuvre simple. Au-delà, il faudrait fabriquer un échafaudage rond compliqué à réaliser. L’inclinaison des murs est amorcée à 1 m de hauteur pour permettre la station debout à l’intérieur au niveau du faîtage, et la station assise contre le mur sans devoir baisser la tête. Quant à la bulle de Plexiglas, elle offre un puits de lumière très important. Toutes les autres ouvertures sont réalisées en matériaux de récupération. La porte, située à l’est, est basse pour que la chaleur soit conservée et circule à l’intérieur. Une fois l’emplacement décidé, prenez un bâton de la longueur du diamètre souhaité. Prenez en un second, petit celui-là, plantez le bien droit au centre du futur habitat et placez le milieu du long bâton sur le centre.




Faites tourner votre bâton en matérialisant avec des pierres le cercle ainsi obtenu et délimitez l’emplacement de la porte. Pour réaliser le soubassement et sceller les pierres du pourtour, faites un mélange gravier + chaux + sable à parts égales. Avec une grosse pelle, coulez directement sur le sol, sans creuser, une pelletée de ce mélange et insérez une pierre puis une autre à côté bien collée et ainsi de suite tout autour pour former le cercle de pierres. Grâce à celui-ci, l’argile du mur à venir ne sera pas en contact direct avec le sol, ce qui est très important car ainsi vous éviterez les remontées d’eau par capillarité. Ensuite, dans une brouette ou un grand récipient, mettez de l’argile puis de l’eau et mélangez jusqu’à obtenir la consistance d’un fromage blanc un peu épais. Désherbez votre potager ou glanez ici ou là des herbes sèches. Posez-en de toutes sortes et de toutes tailles sur ce mélange puis recouvrez le tout d’argile. Retournez cette herbe argilée et argilez l’autre côté. Au final, vous obtenez une sorte de galette, à peu près de la dimension de deux mains ouvertes. Cette technique est plus simple que celle consistant à faire des boules.

La construction de l’armature de la ker-terre :
Vous pouvez maintenant commencer ce qu’on appelle le «splatch», vous prenez une galette et posez-la sur votre cercle de pierres. Empilez ainsi les galettes les unes sur les autres, en avançant constamment en cercle pour que le mur soit toujours partout à la même hauteur. Dès que vous avez posé les pierres, vous devez penser aux aérations, basses et hautes, très importantes. Ces habitats ont besoin de respirer, et que l’air circule de haut en bas. Les aérations servent aussi à alimenter en air frais la cheminée (car dans un petit habitat la cheminée ne doit absolument pas fumer).


Insérez dans le bas du mur 3 ou 4 tuyaux (peu importe le matériau, mais ils doivent être résistants aux souris!) au bout desquels vous placerez des grilles en métal. Montez donc ainsi le mur jusqu’à 1 m de hauteur environ, faites le épais, voire même très épais, en comptant environ 30 cm à la base, 20 cm c’est vraiment le minimum. Lissez bien entre 2 «rangées» de galettes. Vers 1 m, commencez à pencher tout doucement, en visualisant la forme de votre habitat, laissez faire vos mains et votre intuition. Réduisez progressivement l’épaisseur du mur, de 20 à 30 cm à la base, elle doit se réduire à 10 cm au niveau de la clef de voûte. Arrivés au stade où le mur commence à pencher, pensez à positionner le tuyau d’évacuation des fumées de la cheminée, dont la section sera le plus large possible. Pour l’armature, enfoncez des grandes branches de saule dans la partie verticale du mur, en les espaçant d’environ 60 cm et resserrez-les à leur sommet. Le dernier cercle de saules, en haut, permettra de poser la bulle de Plexiglas qui ferme la voûte. Côté ouvertures, dans les murs, il est possible d’insérer des pare-brises de voiture récupérés - (Ndlr : Allez récupérer à la déchetterie près de chez vous, des hublots de machines à laver - ceux des sèche-linges sont moins profonds - et insérez-les dans les murs). Prévoyez juste un sourcil d’argile au-dessus de la vitre sinon l’eau réussit toujours à s’infiltrer. Autre idée de récup, des fenêtres peuvent devenir une belle porte vitrée. Ensuite, la finition extérieure se fait avec du Delta Vent, tissu que l’on trouve partout : il s’agit d’un écran souple de sous toiture constitué d’une feuille plane lisse en polypropylène perméable à la vapeur d’eau et de deux non-tissés toujours en polypropylène. Il est respirant dans un sens et perméable dans l’autre. Trempez des bandes longues de haut en bas dans un liquide de chaux et collez ce Delta Vent comme du papier peint sur toute votre kerterre, le côté imperméable à l’extérieur bien sûr. Préparez ensuite un mélange chaux-sable à parts égales, du sable plutôt fin et enduisez le Delta Vent de ce mélange. Faites une première couche «hérisson» qui permettra aux deux autres de bien tenir. Vous pouvez ensuite, avec un balai, «chauler» en couche fine avec un mélange de chaux et une argile de couleur. Ainsi votre kerterre peut devenir rose, orangé, jaune ou s’orner de motifs».
© Marie Claire Maison




Infos utiles sur la kerterre :
Stages kerterre et habitat végétal sur le site de Beuzec avec visite des constructions et présentation des différentes techniques constructives ou construction d’une ker-terre. Contact : Evelyne Adam. Ferme autrement. Beuzec, 29120 Plomeur.

Ouvrage de référence : "Construire en rond" aux Editions Eyrolles - 176 pages.  Auteurs : Evelyne Adam, Olivier Dauch, Jean Soum.

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